Histoire des écrivains publics

Dans notre société, la production d’écrits efficaces est devenue essentielle. Afin d’atteindre cet objectif, de plus en plus d’entreprises, artisans, administrations, collectivités locales, particuliers et associations font appel aux services d’un écrivain public.

Cependant, cette profession dont les services s’adressent à un public d’une diversité surprenant demeure largement méconnue pour bon nombre de personnes.

Les prestations de l’écrivain public

Les diverses prestations offertes par l’écrivain public, telles que les démarches administratives, les courriers variés, les discours, les récits de vie, les résumés et comptes rendus, les poèmes et hommages, les transcriptions de vieux documents, les biographies d’entreprise, mais aussi l’aide aux personnes en difficulté face aux outils informatiques, en font un exemple caractéristique d’une profession dont les contours sont encore insuffisamment définis.

La profession à l’antiquité

Si nous remontons jusqu’à l’antiquité, nous trouvons dans le scribe de Mésopotamie ou d’Égypte, une première figure de l’écrivain public. Le scribe était un personnage très estimé, c’était celui qui détenait le savoir. Son rôle consistait alors à établir des relevés de compte ou des inventaires, mais il a pris très vite une importance avec les écritures d’ordres de souverain, les relevés topographiques destinés aux impositions et aux taxes (bah oui on payait déjà des impôts à l’époque), l’établissement de contrats entre particuliers (actes de vente), calligraphie d’œuvres littéraires (hymnes, poèmes, épopées…) qui jusqu’alors étaient transmises par tradition orale. Le scribe était un érudit qui devait outre ses connaissances graphiques recevoir une formation très poussée dans plusieurs disciplines et ce pendant de longues années.

Le métier en Gaule

Reprenons notre voyage et atterrissons en Gaule

Pour tous ceux qui lisent Astérix, Assurancetourix est un Barde qui chante faux, mais dans la hiérarchie druidique, les bardes à la fois poètes, traducteurs et chroniqueurs exerçaient aussi la fonction de scribe. Avec la christianisation de la Gaule au iiie siècle, les moines deviennent les détenteurs du savoir. En tant que rédacteurs et érudits, ils assument des rôles d’enseignants et se positionnent en tant qu’intermédiaires entre l’administration et la population Mais ce « rédacteur », considéré dans l’Antiquité, honoré à l’époque gallo-romaine, perd de son prestige au moyen-âge.

Les écrivains publics au XIIᵉ et XIIIᵉ siècles

Il faut attendre la fin du xiiᵉ et au début du xiiiᵉ siècle pour que les écrivains publics apparaissent en tant que tel au moment où se crée une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie. La bourgeoisie sait peu lire et écrire, mais elle sait qu’elle a besoin de certifier ses écrits car le développement des échanges commerciaux augmente les besoins en écriture. Des actes notariés commencent à être rédigés en français et le papier, découvert lors des croisades, offre un support peu couteux. À cette époque, il n’existe pas d’écoles formant les écrivains publics, et aucun diplôme n’est délivré. Ils sont recrutés parmi les étudiants, en particulier ceux qui n’ont pas obtenu de diplômes universitaires, mais qui sont néanmoins considérés comme lettrés par ceux qui ont peu de connaissances.

La révolution française

Attention à notre tête, nous arrivons en pleine révolution française ! La Révolution et la période de trouble social qui l’accompagne vont marquer un coup d’arrêt presque fatal à la profession d’écrivain public avec la suppression de leur charge.

Le xixᵉ siècle

Au xixᵉ siècle, l’organisation de l’administration napoléonienne redonne à la profession un coup de fouet salutaire en provoquant à nouveau une demande de la part des citoyens de toutes les classes sociales, aussi bien de l’artisan que du sous-officier militaire.

Le retour à la monarchie et le coup de grâce

Le retour de la monarchie sonne le glas de la profession où de simples particuliers instruits ou des membres de certaines professions le remplacent. Dans les petites communes, les instituteurs remplissent alors le rôle de rédacteur.

Le coup de grâce arrivera à la fin du xixe siècle avec les lois de Jules Ferry rendant l’enseignement gratuit, laïc et obligatoire.

Remontons dans notre DeLorean et retour à notre époque ou presque

Au cours des années 1975 et 1976, les écrivains publics font doucement leur retour. L’Académie des Écrivains publics est fondée en 1980. Même avec une population de plus en plus instruite, de nombreuses personnes éprouvent des difficultés à rédiger un texte dans leur vie quotidienne. Que ce soit pour des formalités administratives ou des écrits plus complexes, les besoins sont extrêmement variés et touchent chacun d’entre nous. Contrairement aux idées préconçues, tous les milieux sociaux sont concernés. Qui n’a jamais fait face à une incapacité temporaire à se déplacer ? Qui ne s’est jamais interrogé sur la meilleure formulation à inclure dans sa lettre de motivation ? Enfin, qui n’a jamais manqué de temps pour rédiger un document officiel ?

Le xxie siècle, marqué par la prédominance croissante d’Internet et la numérisation généralisée des documents, a vu une transformation radicale de la profession. Les écrivains publics ont dû intégrer ces changements. Ils sont appelés à être polyvalents, maîtrisant les outils numériques, exploitant les plateformes en ligne pour offrir leurs services à un plus large public tout en conservant un engagement envers des normes éthiques élevées.

Les qualités requises pour devenir écrivain public

En conclusion, ce métier, varié et aux multiples facettes, a toujours été composé d’un noyau dur de passionnés, ainsi que de personnes désireuses de mettre leur talent au service des autres. C’est une profession basée sur le partage et l’écoute, où l’écrivain s’efforce de s’adapter à son client, à sa manière de penser, afin que son écriture reflète la personnalité de son interlocuteur.

Et qui mieux que Othis le scribe (Edouard Baer) la résume dans « Astérix et Cléopâtre » en répondant à la question de Panoramix (Claude Rich),

« C’est une bonne situation, ça scribe ? »

« Mais vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou mauvaise situation. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres… »